La situation est alarmante, alors que les décisions pour y faire face manquent pour le moment. Si toute l’attention est monopolisée par la crise économique et sociale et par l’actualité politique, ce phénomène doit certainement interpeller les autorités et les sociologues.
L’analphabétisme bat son plein en Tunisie et les chiffres ne font que confirmer ce triste constat : les Tunisiens deviennent de plus en plus analphabètes. Si le phénomène est expliqué tantôt par le décrochage scolaire, tantôt par l’ère numérique, plusieurs facteurs peuvent entrer en considération lorsqu’on évoque l’analphabétisme en Tunisie.
L’adjectif « analphabète » qualifie une personne qui ne sait ni lire, ni écrire, parce qu’elle ne l’a jamais appris. Une personne analphabète n’a jamais été à l’école, ou n’a jamais reçu un enseignement de la lecture et de l’écriture. Selon l’Unesco, une personne analphabète est une « personne incapable de lire et d’écrire, en le comprenant, un exposé bref et simple de faits en rapport avec la vie quotidienne ».
Au fait, c’est le ministre des Affaires sociales, Malek Zahi, qui a lancé le cri d’alarme pour avertir contre les conséquences d’une telle situation. Se basant sur des données officielles, le ministre a annoncé que la Tunisie compte désormais deux millions d’analphabètes, qualifiant ce chiffre de « scandaleux ». Il a assuré que ce phénomène constitue un obstacle devant le développement, mettant en garde contre l’aggravation de cette situation au vu de la situation de l’école publique.
Zahi a surtout pointé la propagation du décrochage scolaire, notamment chez les jeunes âgés de 10, 11 et 12 ans, faisant savoir que les centres de référence pour l’apprentissage tout au long de la vie permettront d’améliorer la situation.
En septembre dernier, le directeur général du Centre national de l’enseignement des adultes, Ali Felhi, a révélé que le taux d’analphabétisme en Tunisie a atteint 17.9 %, présentant des chiffres similaires à ceux avancés par le ministre des Affaires sociales.
Il faut dire que, selon des chiffres officiels, le taux d’analphabétisme en Tunisie pendant les dix dernières années était estimé à 14 %, et a augmenté, de nos jours, pour atteindre presque 18%. Selon ces données, l’analphabétisme n’est pas uniquement au rang des adultes, mais touche également à la jeunesse.
On explique également que 70 % des analphabètes sont parmi ceux ayant abandonné précocement l’école. Les raisons économiques « justifient » essentiellement ce constat.
L’abandon scolaire, de mal en pis
Effectivement, l’abandon scolaire, qui a considérablement nui à l’école publique ces dix dernières années, serait la première cause de l’analphabétisme en Tunisie, un pays qui a rendu prématurément l’éducation obligatoire.
En effet, il faut rappeler que, grâce à la vision de l’ancien président Habib Bourguiba, la Tunisie a imposé l’éducation obligatoire à sa population depuis plusieurs décennies, mais nous nous retrouvons malheureusement, aujourd’hui, avec une triste réalité qui en dit long sur l’effondrement du système éducatif tunisien.
Selon le ministre de l’Éducation, Fethi Sellaouti, les abandons scolaires sont en augmentation dans le pays. On estime d’ailleurs qu’en moyenne 100 apprenants quittent définitivement l’école chaque jour en Tunisie. Durant l’année scolaire 2020-2021, le pays a connu près de 69 mille échecs et, pour sa part, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a révélé que plus d’un million d’élèves ont abandonné l’école entre 2010 et 2020. Pour cette ONG, il s’agit d’un chiffre énorme pour une société d’environ 12 millions d’habitants.
Le Ftdes estime que le système éducatif tunisien connaît des décrochages annuels pour environ 108 mille élèves. Et de souligner la nécessité d’accorder une priorité absolue à la réforme du système d’éducation et de formation, un processus qui nécessite un consensus sociétal.
Agir au plus vite !
Au fait, le taux d’analphabétisme présente des disparités spatiales. En effet, les gouvernorats du centre-ouest et du nord-ouest sont les plus fragilisés par l’analphabétisme ; le record étant détenu par le gouvernorat de Kairouan, selon le croisement de rapports ayant exposé ce problème durant cette dernière décennie. Le Grand-Tunis s’avère le moins touché par ce fléau, mais plus précisément certains quartiers défavorisés sont frappés de plein fouet par l’analphabétisme.
S’il est urgent, aujourd’hui, de réformer l’école publique, d’ailleurs le Président de la République Kaïs Saïed en a fait une priorité, pour pouvoir offrir une meilleure éducation à nos enfants et jeunes, il est également primordial de prendre en charge les personnes âgées analphabètes.
Cependant, d’autres formes d’analphabétisme naissent en Tunisie et sont alimentées par la nouvelle ère digitale. On parle aujourd’hui d’analphabétisme numérique ou encore d’illectronisme qui peut se définir par le phénomène de perte totale ou simplement de lacunes concernant les connaissances fondamentales de la sphère numérique (utilisation d’internet et des réseaux sociaux, traitement de textes, etc.).